Poésie

L'équipe de L'Hermès est heureuse de vous présenter un poème écrit en latin. Vous l'avez peut-être lu dans la rubrique Petites Plumes du Numéro n°15 publié en mai 2022 ; nous vous offrons ici sa traduction !

 

Texte:

 

Stulto proditori irasci non satis

Te fallacem verum odisse non nimis.

Cum me adlexisti, movit falsus amor

Cor meum quod urit jam immensus furor. 

 

Phaedra, Medea, quas fefellit amans

Nunc vos intellego, Furias invocans.

Volo me timeas voloque paveas

Atque verearis puellae iras. 

 

Antiqui scriptores depinxerunt mortem

Lacrimas, vulnera, nefas et caedem

Sed ultio mea erit tacitior.

Noli quiescere, venit certe horror !



Traduction:

 

Contre un stupide traître, s'emporter ne suffit pas ;

Et te détester, perfide, n'est pas excessif.

Quand tu m'as séduite, un amour trompeur a ébranlé

Mon cœur que brûle désormais une folie furieuse démesurée.

 

Phèdre, Médée, vous qu'un amant a trompées,

Je vous comprends maintenant, tandis que j'invoque les Furies.

Je veux que tu me craignes et je veux que tu redoutes

Et que tu appréhendes les colères d'une jeune fille.

 

Les auteurs antiques ont dépeint la mort,

Les larmes, les plaies, le sacrilège et le carnage,

Mais ma vengeance sera plus silencieuse.

Ne sois pas rassuré, l'horreur arrive, c'est certain !



Merci à M. Gavoille pour sa relecture attentive.

 

...Perdu dans le désert, cuisant sous l'illustre soleil,
Le marchand de sable ne trouve plus le sommeil,
Et ceux qui ont échoués errent dans un rêve sans fin
Où leurs destins n'est pas de retrouver leur chemin.

Il n'y a pas de reflet dans mon miroir,
Pas de soleil dans mon ciel,
Pas une ombre dans le noir,
Et aucune réponse à tout mes appels...

Ils rêvent tous d'eux-mêmes, seul contre le monde entier,
Sur une terre austère où différent toutes logiques ;
Sans routes, sans sentiers ; et pour marcher, même pas de pieds ;
Leur corps est d'éther et leurs songes sont prolifiques.

...Ici il n'y a pas de ciel ou d'enfer,
Pas de son dans les complaintes,
De clarté dans la lumière,
Ni même de sortie dans ce labyrinthe...

Leurs bras sont d'immenses branches de feuilles et de fleurs
Ternes, brillantes, tantôt polychromes, tantôt transparentes,
Qui effleurent toutes sortes de choses insignifiantes,
Des photons et d'autres ondes, le temps et l'impesanteur,

...J'y suis bien chez moi, partout et nul part ;
Il n'y a pas de chemin,
Mais jamais on ne s’égare,
Seulement deux directions, hier et demain...

Enfin, leurs inconcevables pensées sont tangibles,
Comme une vapeur subtile et aux mille couleurs ;
C'est pour tout ces gens risibles, incompréhensibles,
Pour ces incapables dont les gens éveillés ont peur...


Doryann Dominguez

 

Divine devine des futurs défunts,
Futile et vide de vie, tu feins la faim ;
La faim des miens, mais aussi la fin des tiens,
Quoiqu'un peu moins des tiens, dans leurs confins.

La détresse te délaisse de ses caresses ;
De ses tendresses que sciemment le temps déverse,
Et que l'ivresse, nécessairement emporte, s'empresse
De fermer la porte derrière vingt verrous,
Le tout à double tour, mais sans savoir vers où.

Moi j'étais là, regardant les vils sacripants,
Comme un enfant ignorant, dansant dans l’encens.
Ouvrir ou oublier, mourir ou subsister ;
Ses pensées de tendresses se sont dérobées…

Mes problèmes perlent, meurent, et glissent sur ma peau
Tandis qu'au dessus je m'éveille, et je m’élève.
De plus en plus haut, et comme des gouttes d'eau,
Mes maux se déversent et te réveillent de tes rêves.


Doryann Dominguez
Boussole des musiciens,
Il indique le chemin.
Orthodoxe, il ne se fie
Aux émotions, c'est ainsi.

Mécanique, artistique
Quoiqu'un peu misanthropique,
Il frappe la marche du chant dithyrambique,
Résonne dans l'écho du tambour atonique.

Croche ! Démuni de clef.
Misérable, solitaire,
Tu le retrouves dans l'air,
Puis se battant sous tes pieds.

Rapide, il entraîne,
Impose sa voix !
Lent, il absorbe l'atmosphère,
Donnant de la rondeur aux notes.

𝄽
Double, ronde, blanche, noire,
Personne n'a de cadence...
Et pourtant ici tu danses.


Pauline Fleuranceau
J'ai rencontré une jolie fleur solitaire
Perdu dans un recoin tranquille des jardins.
Un homme, une fleur, un loup, chacun dans ce dessin
Portait un regard attentif plein de mystère.

De loin, le dernier regardait le premier,
Tandis que lui contemplait le millepertuis
Vivant dans un petit bout ensoleillé
D'herbe déserté, seul, sans ami, sans famille.

Le loup regarde, il ne bouge pas, le loup c'est toi.
Et moi, je suis cet homme qui l'a trouvée, fanée...
« Ne perd pas espoir ! » Lui dis-je avec émoi.
Une graine tombait à côté de mes pieds.

J'ai recouvert de terre finement émiettée
La précieuse graine que l'on m'avait confiée.
Elle germa, grandit, puis fleurit en été.
« Mais qui es-tu ? » Demandais-je. « Je suis un bleuet ».

- Mais pourquoi donc ? Ce n'est pas ce que tu étais !
- Je ne suis plus la même car tu m'as soignée.
- Mais alors, suis-je toujours la même personne ?
- Pour moi oui, pour toi non, ou bien tu n'es personne…

- Toi qui sais tout, dis-moi comment la vie fonctionne !
Mais le bleuet n'est qu'une fleur, elle est aphone...
A côté le beau Narcisse a tout entendu.
- Approche donc, j'ai déjà bien trop attendu.

Il me toise de son œil de blé, le teint frais,
Il m’appelle de sa douce voix, le ton fier,
Et je viens à lui pour mieux l’admirer.
Mais enfin il peste en remuant sa crinière

- Laisse tomber cette fleur fade ! Elle n’en a cure
Et que faire de ton cœur ! Tu as de l’allure
Alors garde-le pour quelqu’un qui le mérite !
Abrite dans ta poitrine ton anthracite !

Je l’écoute et je le comprends ; je le savais.
Je l’ai bouté, je le méprends ; il m’observait.
Qu’on me laisse en paix ! Qu’on me laisse faire justice !
Que tombe enfin le verdict ! « Boucle-la Narcisse. »


Doryann Dominguez