Décrire un personnage grossier et insister sur ce trait tout en gardant un niveau de langue correct pour la narration, tel est le défi que pose la réécriture du festin de Trimalcion du Satyricon de Pétrone. Ici le festin a deux aspects : le goûter du personnage principal, mais également de façon plus figurée la bagarre qui s’annonce, un « festin de coups de poings ». Des éléments provenant d’autres extraits du festin par Pétrone ont été repris : les trouverez-vous ?
Nous étions en plein dans ces réjouissances quand Gaston lui-même arriva, accompagné de deux sbires qui portaient son sac. Sa forte carrure suscita comme à chaque fois un frisson de crainte mêlée à de l’admiration, à ses respectueux camarades, qui en sa présence n’osaient dire mot, si ce n’est pour louer son intelligence ou acquiescer ses plans belliqueux. Sa tête rasée reposait lourdement sur son corps épais et riche en formes généreuses. Son impressionnante bedaine avait peine à ne pas dépasser de son tee-shirt. Son cou était entouré d’une chaîne faussement dorée, et ses membres étaient garnis de tatouages divers et variés. Il tenait fermement dans sa main gauche une barre chocolatée à demi-mangée. Puis il se moucha dans son tee-shirt, et dit : « Wesh gro, j’avais pas envie de v’nir avec vous voir la baston, mais azy chuis pas un dégonflé, j’ai r’tardé la fin d’mon goûter pour v'nir. Alors laissez-moi f’nir mon Mars, OK ? ». Cela ne tarda pas, avant même toute réponse il enfourna sa barre chocolatée dans son large gosier avec un air de délectation. Enfin, il se lécha abondamment les lèvres pour ne point perdre le moindre soupçon de chocolat, cette si délicieuse substance dont il raffolait, puis essuya en même temps et sa bouche et son nez qui coulait avec fluidité, à nouveau avec son tee-shirt. Il ponctua ce moment de délice par un rot profond et sonore. Alexandre BARROS |
Nous étions au milieu de ces splendeurs quand Trimalcion lui-même fut apporté au banquet et, déposé au milieu de tout petits oreillers, provoqua un rire aux imprudents. En effet il avait fait en sorte que sa tête rasée sorte de son manteau écarlate et que tombe un large foulard avec des franges qui pendaient ici et là autour de son cou couvert d’un vêtement. Il avait encore un grand anneau doré au petit doigt de la main gauche, mais il en avait un plus petit à la dernière phalange du doigt suivant, à ce qu’il me semblait entièrement doré mais parfaitement incrusté de ce qui ressemblait à des étoiles de fer. Et pour ne pas montrer seulement ces richesses, il mit à nu son bras droit orné d’un bracelet en or et d’un cercle d’ivoire fermé par une plaque brillante. Une fois qu’il se fut curé les dents avec une aiguille en argent : « Amis, dit-il, il ne m’était pas encore doux de venir dans la salle à manger, mais pour ne pas être absent auprès de vous plus longtemps à cause d’un retard, je renonçai à tout plaisir personnel. Vous permettrez que je finisse de jouer. » Suivait un jeune esclave avec une table en bois de térébinthe et des dés en cristal, et je remarquai la chose la plus délicate de toutes : en effet, à la place des jetons blancs et noirs, il avait des deniers en or et en argent. Pétrone, Satyricon, 32-33
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